La goutte qui fait déborder le vase de l’ordre unipolaire

Le 10 décembre, lors du Forum de Doha au Qatar, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a lancé pour la seconde fois un appel dramatique en faveur d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza. Cela faisait suite à la décision monstrueuse des États-Unis d’opposer leur veto (le seul pays à le faire) à une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU exigeant l’arrêt des combats des deux côtés. Évoquant cet échec, Guterres a déclaré : « Il est regrettable que le Conseil de sécurité n’ait pas réussi à faire passer [cette résolution], mais cela ne la rend pas moins nécessaire. Je le promets : je ne renoncerai pas. »

Le lendemain, des représentants de 12 des 15 membres siégeant au Conseil de sécurité se sont rendus au point de passage de Rafah, entre Gaza et l’Égypte, pour constater par eux-mêmes les conditions épouvantables qui y règnent, suite aux bombardements et à la campagne de nettoyage ethnique dans toute la bande de Gaza, menés par Israël avec le soutien Washington. Le 12 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies s’est réunie à son tour en session d’urgence pour discuter d’une nouvelle résolution exigeant un cessez-le-feu immédiat, présentée par l’Égypte et la Mauritanie et parrainée par au moins 103 autres pays. Celle-ci a été adoptée à une majorité écrasante, avec 153 voix pour, 23 abstentions et seulement 10 contre (dont les Etats-Unis et Israël).

Une pression internationale massive s’exerce sur l’administration Biden pour l’obliger à changer de politique. A l’intérieur même des États-Unis aussi, l’opposition grandit contre le soutien apporté au gouvernement de Benjamin Netanyahou. Aux côtés des associations anti-guerre et de l’Institut Schiller, de nombreuses organisations juives manifestent leur colère.

De son côté, la Chine s’efforce activement, quoique discrètement, de rassembler du soutien à sa proposition d’une conférence internationale de paix pour l’ensemble de l’Asie du Sud-Ouest, réunissant la Russie aussi bien que les Etats-Unis, et comportant un volet économique.

Sur ce conflit, à l’exception du gouvernement Netanyahou et des Anglo-américains, la quasi-totalité des pays s’opposent à la politique de Washington, et à juste titre. Comme l’Ukraine, Israël sert de pion pour tenter de revitaliser un « ordre mondial unipolaire » moribond, mais c’est le contraire qui se produit.

Si les guerres s’avèrent bien utiles pour le puissant « complexe militaro-industriel » et semblent donner un nouveau souffle aux économies occidentales, elles ne pourront empêcher l’effondrement du système financier transatlantique. Une économie de guerre, comme l’a démontré la politique d’Hjalmar Schacht, est vouée à l’échec. Ainsi, Gaza pourrait s’avérer la goutte d’eau (ou de sang) qui fait capoter l’ordre unipolaire.

En effet, la révolte du « Sud global », ou mieux encore, de la « Majorité globale », devient beaucoup plus ouverte et plus large. On l’a vu, entre autres, lors de la conférence sur le climat qui vient de s’achever à Dubaï, et qui a porté un coup dur au Great Reset (voir ci-dessous).

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