Vers un commerce international hors du système du dollar

Diplomate chevronné ayant accompagné le président américain Richard Nixon en Chine il y a 50 ans en tant qu’interprète, Chas Freeman a accordé une interview le 31 juillet à Mike Billington, de l’EIR. Après l’avoir cité dans notre précédent numéro à propos du périple de Nancy Pelosi en Asie, nous publions ici ses réflexions sur une alternative au système monétaire libellé en dollars, nourries par son expérience d’ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite.

Interrogé sur l’appel de l’Institut Schiller à une conférence de Nouveau Bretton Woods pour résoudre la crise financière, Chas Freeman estime que les conditions politiques ne sont pas réunies pour cela, vu le mépris de Washington pour la diplomatie traditionnelle.

Toutefois, explique-t-il, « l’un des effets des sanctions et d’autres retombées de la guerre en Ukraine est la restructuration de fait du système financier mondial. Cinq pays de l’ASEAN vont désormais accepter le règlement direct des achats par codes QR. L’Iran et la Russie sont convenues d’un arrangement similaire aux swaps pour l’utilisation des cartes de crédit russes en Iran, en contournant le réseau SWIFT, l’entité belge gérée par l’Occident qui compense la plupart des transactions mondiales par le biais du dollar. De même, les BRICS en sont au dernier stade de la mise sur pied d’une monnaie transnationale destinée à remplacer le dollar pour les règlements commerciaux. Et bien sûr, le Groupe augmente le nombre de ses membres.

« Nous assistons donc à une évolution vers des mécanismes bilatéraux et plurilatéraux des échanges commerciaux qui évitent le dollar. Et il est très probable que nous nous dirigions vers un avenir où le dollar n’aura plus la position quasi-monopolistique qu’il occupe actuellement, mais sera l’une des nombreuses monnaies dans lesquelles les échanges seront réglés. »

L’ambassadeur Freeman a tenu à souligner la différence entre une monnaie de réserve et une devise utilisée pour régler les échanges. « Les gens parlent du dollar comme d’une monnaie de réserve, mais cela passe à côté de l’essentiel. La véritable force du dollar vient du soutien de l’Arabie saoudite, qui a accepté en 1974 de libeller en dollars le commerce mondial de l’énergie, suivie à contrecœur par l’OPEP et malgré les objections de certains de ses membres, comme l’Algérie et l’Iran. Tant que le dollar restera l’unité de compte pour le commerce de l’énergie et d’autres produits de base, les États-Unis conserveront ce privilège exorbitant.

« Mais dès que les Saoudiens et autres commenceront à accepter d’autres devises que le dollar en contrepartie de leurs produits de base, le dollar s’effondrera et nous assisterons à une dévaluation massive, comparable à celle qui s’est produite en 1971, lorsque les États-Unis ont quitté l’étalon-or et que le dollar a cessé d’être échangeable contre de l’or. C’est le processus qui se développe, dans lequel une réaction rationnelle consisterait à organiser un effort international pour négocier une transition. Mais je ne vois aucune base politique pour cela. »

L’interview complète peut être vue et lue ici.

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