Une opposition à la politique du bord du gouffre se fait entendre au Congrès américain

Une semaine avant le vote au Sénat américain sur le projet de loi autorisant 40 milliards de dollars de dépenses supplémentaires pour des armes et des aides destinées à l’Ukraine, le dirigeant républicain du Sénat, Mitch McConnell, a effectué une visite surprise à Kiev, où il est arrivé le 14 mai. De retour à Washington, il a précisé que les fonds prévus n’étaient en aucun cas de nature « philanthropique ». Il en va directement, a-t-il déclaré, « de la sécurité nationale et des intérêts vitaux de l’Amérique », ajoutant que « la menace pesant sur la sécurité américaine et européenne augmentera » si l’Ukraine « ne parvient pas à repousser l’agression russe ».

Moins de deux semaines avant le pèlerinage de McConnell, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s’était rendue, elle aussi, à Kiev avec une délégation de démocrates, qui avait été reçue par le président Zelensky.

En fin de compte, le projet de loi formulé par la Maison Blanche a été adopté à la Chambre le 10 mai par 368 voix contre 57, et au Sénat le 19 mai par 86 voix contre 11. Au total, les États-Unis se sont désormais engagés à fournir à l’Ukraine plus de 53 milliards de dollars d’aide (soit près de neuf fois le budget annuel de la Défense de Kiev).

Malgré cette écrasante majorité d’élus favorables au projet de loi, certains républicains s’y sont opposés. Ainsi, le sénateur républicain Rand Paul a proposé un amendement prévoyant de désigner un Inspecteur général chargé de contrôler les nouvelles dépenses. A ce propos, un article du Washington Post cite des analystes de la défense qui affirment que dans une zone de guerre, comme en Irak et en Afghanistan, il n’est pas possible de contrôler la destination de livraisons aussi importantes d’argent et d’équipements. Et en effet, une bonne partie des armes ayant échappé à une destruction immédiate par des frappes de précision russes, a fini dans les mains de forces néo-nazies et autres forces terroristes. La proposition du sénateur Paul n’a pas été adoptée pour autant.

Par ailleurs, le député Thomas Massie s’en est pris au chef de file démocrate de la Chambre, Steny Hoyer, pour avoir déclaré le 13 mai au cours d’un débat que « les États-Unis sont en guerre ». « Qu’est-ce qu’il raconte ? a rétorqué Massie. Nous n’avons jamais voté pour la guerre ! » (En vertu de la Constitution américaine, seul le Congrès a le pouvoir de déclarer le pays en guerre.) Le député Chip Roy a soulevé la même objection, ajoutant : « Si nous devons mener une guerre par procuration et donner 40 milliards de dollars à l’Ukraine, parce que nous voulons faire bonne figure avec nos rubans bleus et jaunes et nous sentir bien dans notre peau, nous devrions peut-être en débattre ici dans cette chambre. »

Le lendemain du vote, leur collègue Matt Gaetz avait dénoncé la politique de l’administration Biden consistant à « marcher vers la guerre comme des somnambules », en franchissant « la ligne rouge de la Russie », notamment en armant des néo-nazis comme le bataillon Azov. « Il y a tout juste un an, nous avons perdu une guerre contre des éleveurs de chèvres agitant des fusils [en Afghanistan]. Et maintenant, nous devrions nous précipiter pour combattre une nation possédant 6000 ogives nucléaires ? » Il a également critiqué les services de renseignement qui « ne peuvent s’empêcher de se vanter auprès des médias de l’aide apportée par l’Amérique à l’Ukraine pour assassiner des généraux russes et couler le navire amiral de la Russie ».

Ironiquement, les démocrates « progressistes » au Congrès, dont Alexandria Ocasio-Cortez, qui passent pour être des militants anti-guerre, ont tous voté pour le projet de loi.

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