Pourquoi l’UE bloque les livraisons de céréales et d’engrais vers les pays pauvres

Lors de la réunion de l’Organisation de coopération de Shanghai, Vladimir Poutine a annoncé que la Russie était prête à fournir gratuitement aux pays pauvres les quelque 300 tonnes d’engrais russes, actuellement bloquées dans des ports européens à cause des sanctions décidées par Bruxelles. Lors de son entretien avec Antonio Guterres le 14 septembre, le Président russe avait demandé au Secrétaire général des Nations unies d’intervenir auprès de la Commission européenne pour obtenir « la levée de ces restrictions clairement discriminatoires à l’égard des pays en développement » et permettre à leurs marchés d’accéder aux engrais russes.

Dans le cadre de l’accord conclu fin juillet sur la livraison de produits alimentaires et d’engrais en provenance d’Ukraine et de Russie, l’UE a accepté une levée partielle des sanctions pour les produits entrant en Europe. Toutefois, l’exportation ultérieure vers d’autres marchés est de facto interdite, à cause des sanctions occidentales imposées aux sociétés de transport maritime et compagnies d’assurance traitant avec la Russie — un état de fait généralement passé sous silence dans les grands médias, qui préfèrent accuser Moscou d’être responsable des pénuries.

En revanche, dans un entretien avec RIA Novosti publié le 16 septembre, Antonio Guterres a reconnu que l’UE bloquait bel et bien les exportations. Il en a discuté entre-temps avec « les dirigeants de l’UE » et, dit-il, « j’espère qu’il y aura un changement positif concernant la possibilité de distribuer sans entraves des céréales et des engrais russes à partir de l’Europe vers d’autres marchés ». Il a également déclaré que le Programme alimentaire mondial (PAM) devrait pouvoir aider la Russie à fournir gratuitement les engrais aux pays en développement.

En ce qui concerne les livraisons de céréales, Vladimir Poutine a rappelé le 7 septembre que le gouvernement russe avait poussé à adopter l’accord sur l’exportation des stocks ukrainiens, dans l’espoir qu’ils seraient livrés aux « nations pauvres d’Afrique et d’ailleurs ». Toutefois, abstraction faite des quantités traitées en Turquie et réexportées depuis ce pays, il a affirmé que la quasi-totalité des céréales exportées de l’Ukraine s’était retrouvée dans l’Union européenne. Seuls deux navires sur 87 ont été affectés au PAM pour nourrir l’Afrique, ce qui est particulièrement scandaleux, vu qu’il dépendait presque exclusivement des céréales ukrainiennes avant la guerre.

Alors que les accusations de Poutine sont rejetées dans les capitales occidentales comme un prétexte pour annuler l’accord, de nombreuses ONG les décrivent, pour le moins, comme n’étant « pas inexactes ». Selon les statistiques officielles de l’ONU, 50 % des céréales ukrainiennes placées sous la responsabilité de l’ONU sont allées à « des pays à haut revenu », dont 36 % à l’Union européenne. Pendant ce temps, les agriculteurs de l’UE sont sommés de réduire leur propre production pour réduire le gaz carbonique, soit volontairement, soit par la force des choses, en raison de la flambée des coûts du carburant, des engrais et de l’électricité.

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