Partout en Europe, la colère populaire monte

Du Nord au Sud, les protestations contre les partis établis s’étendent en Europe. Si les revendications spécifiques varient d’un pays à l’autre, le dénominateur commun est le rejet de l’ordre néolibéral actuel, avec son cortège de démantèlement économique, de coupes sociales et de guerre. Quelques exemples.

France : Macron sauve sa peau, de justesse

C’est peut-être en France que la situation est la plus explosive, avec des millions de personnes qui sont descendues dans la rue à plusieurs reprises pour protester contre la « réforme des retraites » d’Emmanuel Macron (voir AS 06/23). Faute de majorité à l’Assemblée nationale, le recours du gouvernement au 49.3 pour la faire passer ne fait qu’attiser la colère (l’article en question permettant au gouvernement d’adopter une loi sans vote parlementaire).

A la motion de censure déposée le 20 mars à l’Assemblée nationale, le gouvernement a survécu de justesse après de nombreuses tractations, notamment avec Les Républicains. Macron avait menacé de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections si la motion était adoptée, perspective encore plus effrayante pour un certain nombre de députés que d’affronter la colère de leurs électeurs. Mais la révolte ne va certainement pas se calmer.

Après le vote, Jacques Cheminade, président de Solidarité & Progrès, a tweeté : « La #MotionDeCensureTransPartisane échoue à 9 voix près, #Macron ne peut rien trouver pour survivre politiquement après ce qui revient à 1 sanction. Au mieux il lui reste à gérer sans gouvernail dans la tempête. Pour nous, à nous battre pour une politique du travail humain. JC »

Les Néerlandais défendent leur agriculture

L’ordre de l’UE imposant des réductions drastiques d’émissions d’azote (jusqu’à 50 %) ne passe pas chez les agriculteurs néerlandais et ils le font savoir. Au centre de leurs protestations le « Green Deal » de Bruxelles, qui prévoit de sabrer le nombre de têtes de bétail, ainsi que l’utilisation d’engrais et de produits chimiques pour protéger les cultures. Sa mise en œuvre entraînera la fermeture de nombreuses exploitations agricoles, sans parler de la réduction de la production alimentaire ni de l’augmentation des prix des denrées alimentaires.

Le 11 mars, répondant à l’appel de la Force de défense des agriculteurs et de « Ensemble pour les Pays-Bas » (SvNL), quelque 25 000 Néerlandais ont manifesté à La Haye. Le maire avait interdit la présence de plus de deux tracteurs dans la ville, assorti de la menace d’une intervention militaire en cas de désobéissance.

Parmi les quelques intervenants étrangers, notons la présence de Bob Baker, coordinateur de la commission agriculture pour l’Institut Schiller américain. Soulevant le problème de la faim dans le monde, il a épinglé la politique délibérée du « petit monde financier de la City de Londres, de Wall Street et d’Amsterdam », que mettent en œuvre les dirigeants en Europe et aux Etats-Unis.

La contestation partie du monde agricole néerlandais s’est traduite par une surprenante victoire électorale du Mouvement des citoyens et agriculteurs (BoerBurgerBeweging), lors des élections provinciales du 15 mars. Bien que créé récemment, le BBB a obtenu plus de sièges au Sénat que le parti actuellement au pouvoir, ce qui constitue une énorme défaite pour le Premier ministre Mark Rutte.

En réalité, le BBB n’a pas été à l’avant-garde du mouvement des agriculteurs, il n’a fait que surfer sur la vague de protestation qui s’amplifie. Les citoyens s’élèvent aussi contre la politique de guerre de l’UE, qui a fait grimper en flèche les prix du gaz naturel et a déjà mis en faillite de nombreux artisans et PME.

Grèves historiques en Grande Bretagne

Des centaines de milliers de travailleurs britanniques — enseignants, conducteurs de train, fonctionnaires, médecins et personnel soignant, avocats, et même des journalistes de la BBC — se ont fait grève le 15 mars. L’ensemble du réseau ferroviaire et du métro londonien ont été paralysés. Selon certaines estimations, plus d’un demi-million de travailleurs ont participé à cette journée d’action, qui a recoupé plusieurs grèves déjà en cours par des syndicats du secteur public.

C’était la plus grande démonstration de force des syndicats depuis le début des actions de grève l’année dernière, lorsque les effets de l’inflation galopante ont frappé de plein fouet les budgets des ménages (voir aussi AS 06/23). L’inflation dépasse aujourd’hui les 10 % en Grande-Bretagne.

Parmi les grévistes, quelque 130 000 membres du syndicat des travailleurs des services publics (PCS). Selon le secrétaire général, les salaires sont si bas que même certains fonctionnaires doivent avoir recours à des aides sociales.

Les récentes actions ont coïncidé avec l’annonce du budget par le chancelier de l’Echiquier Jeremy Hunt, qui n’avait rien à offrir aux grévistes.

Grève générale en Grèce pour protester contre le « crime de Tempi »

Dans les principales villes de Grèce, des dizaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans la rue le 16 mars pour demander justice pour les victimes du « crime de Tempi », surnom donné à la catastrophe ferroviaire du mois dernier (voir AS 11/23). Une grève organisée par les syndicats de cheminots a été soutenue par les fédérations syndicales du secteur public (ADEDY) et du secteur privé (GSEE). Tous les transports publics ont été fermés (trains, navires et aéroports), ainsi qu’une bonne partie des écoles.

Les revendications des syndicats et des autres organisations ne se limitent pas au secteur ferroviaire, elles touchent à l’ensemble de la politique de privatisation mise en œuvre en Grèce. Ils réclament des transports en commun modernes, sûrs et bon marché, le renforcement du système de santé publique, des soins de santé gratuits pour tous, ainsi que des mesures immédiates de protection contre différentes catastrophes (inondations, incendies, séismes).

Le gouvernement du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, qui a consenti des efforts maladroits et évidents pour dissimuler sa responsabilité dans la privatisation des chemins de fer, a choisi de déployer la police anti-émeute, des gaz lacrymogènes et des bombes flash pour tenter de disperser les manifestants.

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