Les enjeux de la guerre civile au Soudan

Le conflit au Soudan risque de se transformer en une guerre civile de grande ampleur, compromettant sérieusement la sécurité de toute la région, notamment de ses voisins (Égypte, Érythrée, Éthiopie, Sud-Soudan, Tchad, Libye). L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et d’autres États du Golfe pourraient également s’y retrouver entraînés. Etant donné que la plupart sinon la totalité de ces pays, en particulier l’Égypte, entretiennent de bonnes relations avec la Russie et participent d’une manière ou d’une autre à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route »,une grande guerre civile dans la région servirait incontestablement les intérêts du parti de la guerre occidental.

Le conflit a commencé le 15 avril, avec des affrontements entre les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par Mohamed Hamdan Dagalo, et l’armée nationale soudanaise, près d’une base militaire à Merowa et à Khartoum. Le commandant de l’armée nationale soudanaise, Abdel Fattah al-Burhan, dirige le Conseil souverain, qui fait office de gouvernement, tandis que Dagalo est officiellement son adjoint au sein de ce Conseil. Ce dernier aurait lancé la rébellion en raison de son opposition à un accord antérieur, conclu sous l’égide de la communauté internationale, qui prévoyait l’intégration de la FSR dans l’armée nationale dans un délai de deux ans, dans le cadre d’une transition visant à instaurer un régime civil au Soudan. Or, Dagalo souhaiterait que ce délai d’intégration soit porté à dix ans. Depuis, le pays est confronté à une véritable catastrophe humanitaire et des dizaines de milliers de Soudanais ont fui vers le Tchad et l’Égypte.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne ont appelé les deux parties à revenir à la table des négociations. Mais maintenant que leurs missions diplomatiques ont été évacuées, ils pourraient être tentés de manipuler la crise, afin d’assurer l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement favorable à leur politique anti-russe et anti-chinoise en Afrique. Cela mènerait à une guerre civile prolongée, susceptible d’impliquer les pays voisins, voire de conduire à l’éclatement du Soudan.

Le gouvernement égyptien tente d’empêcher une telle évolution en déclarant son soutien aux institutions du gouvernement central. S’exprimant lors d’une réunion ministérielle spéciale de l’Union africaine (UA) le 20 avril, le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Shoukry, tout en plaidant pour un cessez-le-feu au Soudan, « a souligné la nécessité de protéger les institutions soudanaises et d’empêcher leur effondrement, insistant sur le fait que les institutions officielles de l’État ne devraient pas être traitées sur un pied d’égalité avec les entités non étatiques », selon un rapport paru dans Al Ahram News, un média soutenu par le gouvernement égyptien. En clair, qu’il ne faudrait pas traiter sur le même plan les Forces de soutien rapide, qui sont une milice lourdement armée, et l’armée soudanaise.

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