Les élections de mi-mandat aux Etats-Unis ignorent la réalité

Pendant la campagne électorale outre-Atlantique, on a beaucoup entendu parler de « la fin de la démocratie ». Pour les républicains, cela fait référence à la censure de l’opposition pratiquée par le parti démocrate et aux allégations de fraude électorale généralisée à laquelle se livreraient les bureaucraties urbaines des démocrates. Pour les démocrates, en revanche, ce terme évoque la conviction que l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole montre bien le sentiment antidémocratique, voire fasciste, caractérisant les partisans de Trump au sein du mouvement MAGA (Make America Great Again).

Au-delà de sa rhétorique outrancière, pour nos collègues américains, ce discours injecte un poison partisan dans le processus électoral. Effectivement, en creusant davantage, on découvre quelque chose de bien plus problématique dans le déroulement des élections. C’est l’effet à long terme d’une complaisance mentale parmi les électeurs, qui, combinée à l’ignorance de l’histoire et de l’économie et aggravée par une « guerre de l’information » sophistiquée, empêche tant d’Américains de voir le véritable problème posé à leur nation.

Ce problème, c’est l’effondrement de l’ordre unipolaire qui veut que l’Amérique soit « la seule superpuissance » au monde. Le discrédit de cet ordre et le fait que la majorité des nations du monde s’orientent vers une nouvelle architecture stratégique et financière ont été passés sous silence dans les grandes campagnes électorales, qui se sont limitées à des questions de « politique identitaire » et à des attaques contre la candidature adverse sur la base de petites préférences personnelles. Il s’agit d’une sorte de géopolitique en petit, qui divise pour mieux régner, afin de rabaisser les électeurs à des préoccupations de plus en plus restreintes, tout en diabolisant les autres comme une « menace pour notre mode de vie ».

Mais ce qui menace réellement leur mode de vie (danger de guerre nucléaire, inflation galopante, pénuries d’énergie et de nourriture) a à peine été mentionné pendant la campagne, si ce n’est par deux candidats indépendants affiliés au mouvement LaRouche, Diane Sare, au poste de sénateur de l’Etat de New York, et Joel Dejean, au poste de député du Texas. Malgré des sondages montrant que 78 % de l’électorat est « mécontent du fonctionnement du gouvernement » et que 58 % désapprouve la politique du président Biden, la « vague rouge » tant annoncée (un raz-de-marée républicain au Congrès) ne s’est pas matérialisée. Le décompte des voix n’est toujours pas terminé, mais les républicains devraient remporter la Chambre avec une petite marge, alors que les démocrates conserveraient la majorité au Sénat.

Une grande part de responsabilité dans ce résultat est attribuée à Donald Trump, y compris par de nombreux républicains. Sa volonté de centrer la campagne sur sa personne et son avenir a fait que de nombreux candidats républicains ont évité d’attaquer la politique de guerre de Joe Biden contre la Russie et la Chine, ou son absurde « programme vert ». Ce constat n’est pas totalement faux, mais l’ignorance des électeurs américains de la guerre de l’information menée contre eux, et leur désintérêt pour le reste du monde, sont un problème bien antérieur à Donald Trump.

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