L’économie mondiale réorganisée en mode « non occidental »

Alors qu’en Europe et aux Etats-Unis, l’opinion publique se fait sermonner sur la nécessité de faire la guerre à la Russie (et à la Chine) et d’accepter une baisse de son niveau de vie pour défendre la « démocratie » et « sauver la planète », un nouveau paradigme de coopération et de croissance prend son essor dans le reste du monde. Il a été évoqué par la présidente de la Nouvelle banque de développement (NDB) Dilma Rousseff, lors de la dixième Conférence commerciale arabo-chinoise qui s’est tenue le 12 juin à Riyad : un processus est en cours dans les pays du Sud « pour remodeler l’économie mondiale et réduire la dépendance à l’égard d’une monnaie unique », une initiative qui « nécessite la coopération entre pays, institutions financières, et des politiques et organisations de coopération telles que l’Initiative une Ceinture, une Route, la Nouvelle banque de développement [fondée par les BRICS] et la Banque islamique de développement, pour ne citer que quelques exemples ».

Trois jours plus tôt, Dilma Rousseff l’avait exprimé encore plus clairement à Shanghai, lors d’une discussion avec la présidente du Honduras, Xiomara Castro : « L’objectif stratégique de la NDB est de devenir la première banque des marchés émergents et des pays en développement, et avec l’élargissement du nombre de ses membres, la NDB entend renforcer son rôle de plateforme assurant une collaboration plus large entre pays en développement. »

L’on assiste effectivement à la mise en place d’une nouvelle architecture internationale de développement, dont le prochain sommet des BRICS, du 22 au 24 août à Johannesburg (Afrique du Sud), pourrait constituer un point d’inflexion décisif. Près de 20 pays ont à ce jour demandé à rejoindre les BRICS Plus, dont l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Algérie et les Émirats arabes unis dans le monde arabe, ainsi que d’autres poids lourds parmi les pays émergents.

Un aspect central de cette architecture serait la dédollarisation, c’est-à-dire l’utilisation grandissante dans les échanges internationaux de monnaies locales ou régionales, voire d’une nouvelle monnaie à créer. La question soulevée le 11 juin par le président kenyan William Ruto exige en effet une réponse : « Les commerçants de Djibouti qui vendent au Kenya, ou les commerçants du Kenya qui vendent à Djibouti, doivent chercher des dollars américains. (…) Pourquoi devrions-nous payer en dollars des articles achetés à Djibouti ? Pourquoi ? Il n’y a aucune raison ! » Il a poursuivi en soutenant le Système panafricain de paiement et de règlement sous l’égide de la Banque africaine Export-Import.

A condition de donner la priorité au développement de l’économie réelle et au bien-être général, plutôt qu’au casino financier spéculatif actuel, ce nouveau système mettra Wall Street et la City de Londres hors d’état de nuire. Or, c’est la disparition de ce système qui est à l’origine de l’escalade sur le théâtre ukrainien et de l’hostilité croissante envers la Chine.

Ces questions seront abordées lors de la prochaine conférence (en présentiel) de l’Institut Schiller en Europe, les 8 et 9 juillet, sur le thème « Au bord d’une nouvelle guerre mondiale, les nations européennes doivent coopérer avec les pays du Sud ».

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