Le déclin spectaculaire du système dollar

L’émergence rapide de nouveaux centres de pouvoir économique dans le monde n’a pas échappé à la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde. Dans un discours prononcé le 17 avril au Conseil des relations étrangères (CFR) de New York, elle a reconnu que l’utilisation du dollar comme arme et le recours aux sanctions avaient contribué à éloigner les pays tiers d’un système basé sur la monnaie américaine. Selon elle, l’instabilité croissante peut être exploitée par des pays « cherchant à réduire leur dépendance à l’égard des systèmes de paiement et des cadres monétaires occidentaux — que ce soit pour des raisons de préférence politique, de dépendance financière ou de recours à des sanctions financières au cours de la dernière décennie. »

L’évolution du dollar en tant que monnaie de réserve est suivie de près par Stephen Jen, PDG de la société de gestion d’actifs Eurizon, basée à Londres. Le 18 avril, il a fait remarquer que l’année dernière, la part du dollar dans les réserves mondiales a baissé dix fois plus vite qu’au cours des deux dernières décennies, selon un article de Bloomberg. Il situe le début de ce processus dans la recherche de solutions de rechange, suite au gel des actifs à l’étranger de la Russie et à son éviction du système mondial de messagerie financière SWIFT. Le dollar a perdu environ 11 % de sa part du marché mondial depuis 2016 et deux fois ce montant depuis 2008, relève la note rédigée par Stephen Jen et sa collègue d’Eurizon Joana Freire.

En 2022, on a assisté à « un effondrement stupéfiant » du dollar en tant que monnaie de réserve, « probablement en raison de l’utilisation musclée de sanctions », peut-on lire dans la note. « Les mesures exceptionnelles prises par les États-Unis et leurs alliés contre la Russie ont surpris les grands pays détenteurs de réserves », dont la plupart sont des économies émergentes. Le billet vert représente aujourd’hui environ 58 % du total des réserves mondiales, écrivent-ils, contre 73 % en 2001, lorsqu’il était la « réserve hégémonique incontestable ».

On sait que la Chine et l’Inde tendent à utiliser leurs propres monnaies pour régler les échanges internationaux, tandis que la Russie a commencé à accepter le paiement de ses exportations en roubles et en yuans. Les pays des BRICS explorent aussi, en tant que groupe, des méthodes de règlement en dehors du dollar américain.

Print Friendly, PDF & Email