« L’anatomie d’un génocide » : conclusions d’une rapporteuse spéciale sur Gaza

Il s’agit bien d’un génocide, a déclaré Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations unies pour les territoires palestiniens, dans son témoignage le 6 avril à Genève devant le Conseil des droits de l’homme. « Suite à près de six mois d’attaques israéliennes incessantes sur la bande de Gaza occupée, il est de mon devoir solennel de rendre compte du pire de ce dont l’humanité est capable, et de présenter mes conclusions. » (Voir aussi son rapport ici.)

« L’histoire nous enseigne que le génocide est un processus et non un acte isolé, poursuivit-elle. Il commence par la déshumanisation d’un groupe parce que différent, la négation de son humanité, et se termine par la destruction du groupe en tout ou en partie. La déshumanisation des Palestiniens en tant que groupe est la marque de leur histoire – nettoyage ethnique, dépossession et apartheid. »

Après avoir abordé les faits sur le terrain, Francesca Albanese a déclaré : « À la lumière de ces éléments, j’en conclus qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu’un crime de génocide est commis à l’encontre des Palestiniens en tant que groupe a été atteint. Plus précisément, Israël a commis trois actes de génocide avec l’intention requise, en portant gravement atteinte à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe, en soumettant délibérément le groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, et en imposant des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. Le génocide à Gaza est l’étape la plus extrême d’un processus colonial de longue date d’effacement des Palestiniens autochtones. (…) C’était une tragédie annoncée. »

Le secrétaire général des Nations unies António Guterres, pour sa part, s’est fermement engagé depuis des mois en faveur d’un cessez-le-feu. Le 5 avril, il a de nouveau dénoncé la « faim catastrophique » infligée aux habitants de Gaza dans le cadre du « châtiment collectif du peuple palestinien ». Il s’est dit « profondément troublé » par les informations selon lesquelles l’armée israélienne utilisait l’intelligence artificielle pour cibler des combattants présumés du Hamas qui se trouvaient chez eux avec leur famille, au mépris du grand nombre de victimes civiles.

Suite à l’assassinat ciblé, le 1er avril, de sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen par les forces de défense israéliennes, les protestations dans le monde entier ont explosé, y compris en Israël. Après des semaines de manifestations organisées là-bas par des mouvements anti-guerre et de défense des droits de l’homme, ainsi que par les familles des otages toujours détenus par le Hamas, 50 000 personnes ont participé aux protestations du 7 avril, pour exiger du gouvernement la libération des captifs, mais qui ont pris un ton nettement anti-Netanyahou.

Même au Congrès américain, un groupe de 37 parlementaires démocrates a envoyé une lettre au président Joe Biden et au secrétaire d’État Antony Blinken, demandant l’arrêt de la fourniture d’armes américaines à Israël en attendant la conclusion d’une enquête sur l’attaque contre le convoi de WCK.

Pour le moment, rien n’indique que l’isolement grandissant du gouvernement Netanyahou au niveau international (à l’exception de Washington et de certaines capitales européennes) le convaincra d’arrêter le génocide en cours, mais l’opposition continuera de croître. Le danger reste que l’extension de la guerre au Liban et à l’Iran conduise à un scénario « d’allié en rupture de ban », dans lequel Israël est utilisé pour entraîner les États-Unis, voire l’OTAN, dans une guerre régionale plus large.