Energie : pour l’Europe, la principale menace est Bruxelles

La politique de l’Union européenne concernant les approvisionnements russes en énergie nous rappelle certaines fables d’Esope et de Phèdre. D’une part, les Européens confisquent de facto les réserves en devises de la Russie, puis accusent Moscou de ne pas payer en euros (Le loup à l’agneau : « Pourquoi as-tu troublé l’eau que je bois ? ») ; et d’autre part, ils répètent à tout bout de champ que Moscou est sur le point de suspendre ses livraisons de gaz (Le garçon qui criait au loup), bien que l’exportation du gaz russe vers l’Europe n’ait jamais été interrompue.

En réalité, ce comportement sert un objectif insidieux : préparer et convaincre la population d’accepter un rationnement de l’énergie dans le cadre de la « transition verte ». Si les fuites dans les médias se confirment, le document « REPowerEU », annoncé pour le 18 mai par le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, comportera un ensemble de mesures irréalisables, à part une : le rationnement énergétique.

En effet, l’objectif n° 1, consistant à réduire des deux tiers la dépendance à l’égard du gaz russe tout en remplissant les réserves stratégiques de l’UE, ne pourra être réalisé sans rationnement, comme le montre une récente étude allemande (voir AS 19/22). L’objectif n° 2, qui consiste à remplacer par du GNL le gaz transporté par gazoducs, est une entreprise de longue haleine, et l’augmentation des « énergies renouvelables » accroîtra la dépendance envers les combustibles fossiles comme capacité de réserve et d’appoint.

La vraie menace à la stabilité européenne vient de la Commission elle-même, qui suit de fait un scénario élaboré dans un rapport de la Rand Corporation datant de 2019. La Rand, qui compte parmi ses clients une longue liste d’institutions de l’UE, propose une série de mesures pour affaiblir et sanctionner la Russie, dont le remplacement du pétrole et du gaz russes par d’autres sources, notamment américaines, et « l’envoi d’armes létales à l’Ukraine ».

Quant à la suspension des exportations énergétiques russes vers l’Europe, on l’agite comme un épouvantail. Pour ce qui est du gaz transitant par l’Ukraine, ni Moscou ni Kiev n’ont intérêt à perdre les revenus qui en découlent. Depuis la récente fermeture de la station de pompage de Sokhranovka par l’opérateur ukrainien, le gaz transite par la station de Sudhza, plus au nord, bien qu’en quantités légèrement inférieures en raison du radoucissement des températures en Europe.

Toutefois, la tactique de l’UE consistant à crier au loup a réussi à effrayer les pays importateurs de pétrole, qui se sanctionnent eux-mêmes, pour ainsi dire. Si bien que les exportations directes de pétrole russe vers l’Europe ont été réduites de près de moitié, passant de 3 millions de barils par jour à seulement 1,5 million. Le reste est assuré par les pétroliers grecs, qui ont remplacé les navires russes frappés par les sanctions de l’UE, comme le rapportait Le Figaro le 17 mai.

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