Dédollarisation, développement : l’Afrique sollicitée de toute part

Témoignant que l’Afrique est un théâtre majeur de la bataille entre l’actuel « ordre fondé sur les règles » et le nouvel ordre économique, on a vu s’y déployer une intense activité diplomatique au cours du mois de janvier. Du 10 au 16 janvier, le ministre chinois des Affaires étrangères, Qin Gang, était en visite en Éthiopie, au Gabon, en Angola, au Bénin et en Égypte (voir AS 3/23), suivi par son homologue russe, Serguei Lavrov, qui s’est rendu en Afrique du Sud, en Angola, en Eswatini (ancien Swaziland) et en Érythrée du 23 au 26 janvier. Parallèlement, l’administration Biden a choisi d’envoyer non pas son chef de la diplomatie, mais sa ministre des Finances, la secrétaire au Trésor Janet Yellen, pour une tournée de dix jours l’ayant conduite au Sénégal, en Zambie et en Afrique du Sud (18-27 janvier).

Une importance accrue revient cette année à l’Afrique du Sud, car elle occupe la présidence tournante des BRICS, organisation qui pourrait s’ouvrir à neuf nouveaux pays membres au cours des mois à venir. C’est aussi un point névralgique pour la transition vers une dédollarisation du système financier international et l’utilisation de monnaies nationales et régionales dans le commerce international, comme Sergueï Lavrov l’a souligné lors de sa visite. Pour commencer, les cinq nations BRICS pourraient créer leur propre monnaie.

Comme la plupart des pays africains, l’Afrique du Sud a refusé de se laisser entraîner dans la compétition « Occident contre Russie et Chine ». Dans ce contexte, la ministre des Affaires étrangères, Naledi Pandor, n’a pas mâché ses mots en commentant tout récemment un projet de loi au Congrès américain, prévoyant d’imposer des sanctions et des restrictions commerciales aux pays africains impliqués dans des activités avec la Russie, considérées comme nuisibles aux objectifs et aux intérêts de Washington. Elle a conseillé aux élus américains de tout simplement « le déchirer » et « ne pas le poursuivre sous quelque forme que ce soit ».

L’objectif de Mme Yellen en Afrique était plus particulièrement de contrer l’influence de la Chine sur le continent. Cependant, elle a dû modifier quelque peu les attaques directes contre la politique de Beijing, les pays participant au sommet États-Unis-Afrique à Washington du 13 au 15 décembre ayant clairement signalé leur refus de prendre parti dans le conflit américain avec la Chine. Elle est donc arrivée avec un nouveau stratagème en poche (voir ci-dessous).

Avant de quitter le gala des milliardaires à Davos pour s’envoler vers l’Afrique, la secrétaire américaine au Trésor a prétendu que le gouvernement chinois, par la voix de son Premier ministre adjoint Liu He, l’avait assurée de son soutien aux efforts de Washington pour « alléger la dette » africaine. Toutefois, une déclaration de l’ambassade de Chine en Zambie publiée le jour de son arrivée, indique le contraire. Elle reproche aux États-Unis de contribuer à la crise de la dette dans le monde par leurs politiques inflationnistes et la hausse des taux d’intérêt. Pour l’essentiel, elle conseille à Washington de se préoccuper de son propre endettement — qui atteint aujourd’hui 31 000 milliards de dollars (!) – de sorte qu’il est mal placé pour dicter des solutions aux autres nations.

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