Asie-Pacifique : comment Washington et Tokyo comptent endiguer la Chine

Le 13 avril, l’administration Biden a tenu son premier sommet « trilatéral » avec les dirigeants du Japon et des Philippines, sous le signe du projet visant à ériger une chaîne d’endiguement autour de la Chine, étape importante vers la création d’une OTAN indo-pacifique. Le Premier ministre japonais Fumio Kishida, toujours prêt à se plier à la volonté des Américains, joue un rôle clé dans ce scénario. Pour l’ambassadeur américain au Japon, Rahm Emanuel, la réunion « trilatérale » avait pour objectif d’isoler la Chine de ses anciens amis dans la région.

L’administration Biden a également offert au Premier ministre Kishida l’occasion de s’adresser au Congrès, où il a prononcé le 11 avril un discours (en anglais) qui a sans doute été chorégraphié et même rédigé par le Conseil de sécurité nationale de Biden, appelant notamment les élus à accroître l’aide à l’Ukraine. Pour sa part, Joe Biden a fait la promesse douteuse qu’un astronaute du Japon, qui collabore avec les États-Unis pour concurrencer la Chine dans l’espace, aurait le privilège d’être le premier non Américain à se poser sur la Lune. Toutefois, les États-Unis, avec leur programme Artemis, ont encore du chemin à parcourir avant d’arriver sur la Lune, et risquent de ne pas y arriver avant la Chine, qui développe ses capacités spatiales à un rythme rapide.

Si le Japon n’a pas encore été invité à rejoindre le groupe anglo-américain AUKUS (Australie, Grande-Bretagne, États-Unis), Fumio Kishida fait son possible sur le plan législatif pour rendre la politique de défense japonaise plus « proactive » dans la région. L’adhésion à l’AUKUS, qui permettrait au Japon de disposer de sous-marins à propulsion nucléaire, constituerait un premier pas vers le statut de puissance nucléaire. Certains cercles japonais rêvent encore de créer leur propre sphère de coprospérité de la Grande Asie, objectif que le Japon s’était fixé lors de la Deuxième Guerre mondiale et que bien des Chinois se rappellent avec effroi.

La présence des Philippines, membre cadet du clan, dans ce nouvel « axe » est particulièrement significative. Le président philippin, Ferdinand Marcos Jr., a complètement inversé sa politique initiale de rapprochement avec la Chine. Les revendications territoriales des Philippines, disputées en partie par la Chine, sont soutenues par l’Occident. Des affrontements ont déjà eu lieu entre des navires chinois et philippins dans la zone contestée, limités jusqu’à présent à des tirs de lances à incendie et non de balles. Mais si les États-Unis affirment leur soutien au gouvernement de Marcos, celui-ci risque de devenir plus agressif dans son affrontement avec la Chine, voire de devenir un « détonateur » semblable à l’Ukraine dans la guerre contre la Russie.

Le président Biden a solennellement déclaré que les États-Unis entretiennent des relations avec les Philippines depuis plus longtemps qu’avec tout autre pays de la région. Il n’a cependant pas précisé que ces relations remontent à l’époque où les Philippines étaient devenues une colonie américaine, suite à la guerre sanglante menée par l’armée américaine contre les rebelles philippins. Si Joe Biden ignore son histoire, ce n’est pas le cas du peuple philippin. Les efforts du président Marcos pour transformer à nouveau le pays en une colonie virtuelle des États-Unis risquent de créer de graves problèmes pour son gouvernement.

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