Allemagne : une décision de la Cour constitutionnelle qui va à l’encontre des Verts

La Cour constitutionnelle allemande a jugé le 15 novembre que la décision du gouvernement, prise il y a un an, de transférer au Fonds pour le climat et la transformation (KTF) les fonds non utilisés de l’enveloppe destinée à la lutte contre le COVID, violait la clause constitutionnelle relative au « frein à l’endettement », la déclarant par conséquent illégale. Le gouvernement se retrouve donc avec un trou financier de 60 milliards d’euros pour ses projets liés au climat, sur un total de 216 milliards d’euros prévus jusqu’à la fin de l’année 2026. Le « frein à l’endettement », adopté en 2011, limite strictement le déficit budgétaire que le gouvernement est autorisé à encourir.

« Cette décision est le pire des scénarios pour la coalition gouvernementale tripartite, a commenté l’économiste Jens Südekum de l’université Heinrich Heine de Düsseldorf, qui conseille le ministre de l’économie Robert Habeck (Verts). Selon lui, il semble que le financement ne soit assuré que pour le programme d’efficacité énergétique, qui vise à subventionner le remplacement des systèmes de chauffage des particuliers, tout le reste étant « soumis à examen ». Les subventions pour le prix de l’électricité et pour l’implantation de l’industrie des puces en Allemagne seraient notamment en cause.

Le gouvernement a tenté de minimiser les conséquences de cette décision. Robert Habeck a déclaré que les projets verts prévus seraient quand même réalisés, « mais avec moins d’argent » — une proposition qui paraît irréaliste. Mobiliser 60 milliards de nouveaux fonds est également problématique, car la CDU (chrétiens-démocrates), qui avait saisi la plus haute juridiction allemande et obtenu gain de cause, a averti qu’elle porterait plainte contre toutes les nouvelles astuces du gouvernement. Prélever les fonds sur d’autres postes du budget créerait aussi de telles frictions entre les trois partenaires de la coalition que le gouvernement pourrait ne pas survivre. Le SPD s’opposerait aux coupes dans les projets sociaux et le marché du travail, et le FDP s’opposerait à la déclaration d’une « urgence climatique » servant à justifier la suspension du « frein à l’endettement », comme l’envisagent le SPD et les Verts. Enfin, reporter les investissements prévus par le KTF à 2024 et 2025 serait également contesté par la CDU devant la Cour constitutionnelle.

Quelle que soit l’approche adoptée, elle augmentera l’ingouvernabilité de l’Allemagne, y compris si le gouvernement actuel est remplacé par un nouveau qui ne rejette pas les objectifs climatiques actuels pour privilégier des investissements dans l’économie réelle, en particulier dans les infrastructures de base et un approvisionnement énergétique fiable, tel que l’énergie nucléaire. Pour de tels investissements, le frein à l’endettement devrait être définitivement levé, car les projets financés créeraient bien plus de richesse réelle que le montant investi.

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