Union européenne : une politique énergétique bonne pour les spéculateurs, pas pour le peuple

Les mesures prises par les gouvernements de l’UE pour atténuer l’impact du prix élevé de l’énergie sur les consommateurs sont non seulement insuffisantes, mais criminelles. Les aides aux ménages et autres réductions d’impôts assurent en fin de compte de beaux gains aux spéculateurs financiers. Lorsque le ministre italien de l’Environnement, Roberto Cingolani, parle d’une « fraude colossale », il ignore peut-être le fonctionnement des mécanismes de tarification, mais la Commission européenne, elle, le connaît parfaitement, puisque c’est elle qui les a créés !

Dans le cadre du marché unique de l’énergie de l’UE, les prix sont fixés au jour le jour sur les différents marchés : Amsterdam pour le gaz naturel, Leipzig pour l’électricité, Londres pour l’essence, etc. Les contrats à long terme ont été abandonnés au profit des marchés spot et à terme, selon la théorie qui veut que le mécanisme de l’offre et de la demande est le mieux à même de déterminer les prix. Mais comme ces marchés sont ouverts aux opérateurs non commerciaux, des hordes de spéculateurs organisent régulièrement tantôt une pénurie, tantôt une abondance artificielle, en fonction des paris qu’ils ont faits.

L’ancien économiste en chef de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Heiner Flassbeck, a dénoncé la perversité de ce mécanisme, tout en reprochant aux gouvernements de ne pas s’attaquer au problème. « L’essentiel est de s’attaquer à la spéculation », qui a « une influence énorme sur le prix du pétrole », a-t-il déclaré à Telepolis.

Le Wall Street Journal, de son côté, nous informait le 13 mars que les hedge funds ayant parié sur les prix de l’énergie ont engrangé de beaux profits suite à l’opération militaire russe en Ukraine. Ils avaient parié que « la baisse des dépenses dans l’approvisionnement en nouvelles denrées de base et les efforts pour réduire les émissions de carbone feraient grimper les prix des matériaux et les actions des producteurs ». Certains fonds spécialisés dans les matières premières affichent des rendements exceptionnels – jusqu’à 30 % au cours des deux premiers mois de l’année dans certains cas.

Ainsi, pendant que les gouvernements de l’UE versent aux ménages des aides à l’énergie et subventionnent le prix de l’essence, l’argent se retrouve en fin de compte dans les caisses des hedge funds et des mégabanques qui reprêtent l’argent qu’ils ont emprunté à la banque centrale. Dès lors, il n’est pas étonnant que le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, puisse déclarer que sa banque n’a « pas vu beaucoup de stress » sur les marchés de l’énergie. Bien entendu, le stress sur les êtres humains n’intéresse pas la BCE.

En réalité, Bruxelles pourrait faire baisser très rapidement les prix de l’énergie, si elle le voulait. Deux mesures suffiraient : 1) interdire aux négociants non commerciaux l’accès aux marchés à terme, et 2) séparer les banques commerciales des banques d’investissement. Mais cela pourrait créer un certain stress sur le patrimoine des milliardaires de Davos…

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