Une neutralité pour l’Ukraine selon le modèle autrichien

Au cours de la période de discussion du webinaire du 26 mai de l’Institut Schiller, le colonel Richard H. Black a évoqué certains aspects de la stratégie militaire, en se basant sur une expérience personnelle acquise durant ses trente années de service dans les forces armées.

Une question avait trait à la prétendue « guerre urbaine » menée par la Russie en Ukraine et sa destruction systématique des infrastructures civiles, l’opposant implicitement au modus operandi des Américains. En réponse, le colonel Black fit remarquer qu’on a tendance à oublier un peu vite la doctrine dite de « choc et effroi » (shock and awe), la stratégie officiellement élaborée par le Pentagone et mise en œuvre par la suite en Irak. En vertu de cette stratégie, « on entrait dans le pays, on bombardait massivement et on détruisait tout le réseau électrique, l’approvisionnement en eau, la distribution de nourriture, les réseaux de transport. Tout ce qui était nécessaire à la vie humaine était démoli. (…) Cela fait maintenant 30 ans que nous nous battons en Irak et le système électrique que nous avons détruit lors de notre attaque n’a jamais été entièrement restauré. Saddam Hussein possédait un très bon système électrique, mais nous n’avons pas été en mesure de le remplacer, parce que le sort du peuple irakien ne nous intéresse pas. »

Comparant la crise actuelle à celle des missiles de Cuba en 1962, le colonel Black estime qu’à l’époque, une invasion américaine « aurait été pleinement justifiée », si cela avait été nécessaire, car les missiles soviétiques représentaient « une menace nucléaire sérieuse et très proche ». La menace pour la Russie aujourd’hui est similaire, et même plus proche de ses frontières. C’est pourquoi il estime qu’il faudra, au final, envisager « la solution autrichienne ». En vertu du traité signé en 1955, l’Autriche a modifié sa constitution pour se déclarer « nation neutre et non belligérante pour toujours », interdisant la présence de troupes étrangères quelconques sur son territoire. En conséquence, l’Autriche « était un îlot de tranquillité au plus fort de la Guerre froide, alors que nous avions déployé des milliers de chars, de missiles et de pièces d’artillerie. Je faisais partie de l’OTAN à l’époque et je me souviens très bien que nous nous attendions à une invasion à la hauteur de la trouée de Fulda. Cependant, j’ai obtenu un congé pour me rendre en Autriche et j’ai visité le marché de Noël. Les gens célébraient Noël et la naissance du Christ. Il y avait des lumières et des bougies partout, les gens étaient joyeux et heureux, alors qu’ailleurs, tout le long du rideau de fer, les gens étaient tendus, complètement entourés de baïonnettes et de pièces d’artillerie. C’est ce genre de solution qu’il faut pour l’Ukraine. »

Pour le colonel Black, il est irréaliste de penser que la Russie va renoncer au territoire qu’elle a désormais acquis « au prix de combats très difficiles », mais en même temps, il faut donner à l’Ukraine des garanties pour sa sécurité. « Il existe des solutions et nous ferions mieux de commencer à en discuter maintenant, et de cesser de parler d’escalade vers une guerre nucléaire ».

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