Un nouveau parti politique en perspective en Allemagne ?

Depuis le grand succès du rassemblement antiguerre à Berlin le 25 février, co-organisé par la dirigeante politique de gauche Sahra Wagenknecht et l’éditrice féministe Alice Schwarzer, on discute beaucoup de la possible évolution de ce mouvement en un nouveau parti politique. Outre les 50 000 manifestants, plus de 750 000 Allemands ont signé le manifeste que les deux femmes avaient publié quelques semaines plus tôt (voir AS 7, 9/23).

Selon un sondage de Focus réalisé peu après le rassemblement, s’il voyait le jour, un tel parti pourrait recueillir jusqu’à 20 % des voix des électeurs. En effet, le « parti de l’OTAN » craint avant tout une percée de Sahra Wagenknecht dans le camp « bourgeois » (c’est-à-dire loin des cercles traditionnels de la gauche), en dépit de la campagne de dénigration massive dont elle fait l’objet.

Le rassemblement de Berlin a effectivement montré que l’équipe Wagenknecht-Schwarzer, renforcée par la présence au podium du général Erich Vad (cr), trouve un écho auprès de larges couches de la population, au-delà des clivages politiques traditionnels, parmi ceux qui réclament une solution diplomatique pour mettre fin à la guerre en Ukraine avant qu’elle n’échappe à tout contrôle, qui demandent la levée des sanctions contre la Russie et, surtout, s’opposent aux Verts, devenu le parti belliciste par excellence.

Mme Wagenknecht elle-même reste vague concernant l’option d’un nouveau parti politique. Elle a toutefois annoncé qu’elle ne se représenterait plus comme députée sur la liste de La Gauche aux élections de 2025. Par la suite, elle envisage soit de se consacrer à l’écriture, soit « quelque chose de nouveau se présentera sur le plan politique ».

Selon le magazine Focus, ce « quelque chose de nouveau » pourrait survenir plus tôt, si Wagenknecht présente sa propre liste aux européennes de mai 2024. Un tel parti, croit savoir Focus, aurait pour thèmes principaux le pacifisme, la sortie de l’OTAN, et « une politique sociale plus généreuse ». Autre pilier programmatique, le rejet du « green deal », puisqu’elle s’oppose à « une politique du climat qui fait peser des coûts excessifs sur les petites gens ».

La grande cible serait la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, des Verts, devenue la plus va-t-en guerre du gouvernement. Au point que le Premier ministre de Bavière, Markus Söder, de la CSU, l’a qualifiée de « risque pour la sécurité de l’Allemagne ». Elle vient d’annoncer son intention de mettre en œuvre « une politique étrangère plus féministe », ce qui a été aussitôt démoli par Alice Schwarzer, pour qui le seul aspect « féministe » dans l’annonce de Baerbock est sa volonté d’accorder à davantage de femmes partageant ses mêmes idées, des postes d’influence au sein de son ministère. Le jugement de Mme Schwarzer, fondatrice et éditrice du principal magazine féministe politique d’Allemagne, EMMA, aura certainement un impact massif.

Enfin, le fait que le général Erich Vad, ancien conseiller à la sécurité nationale de la chancelière Angela Merkel, se soit joint si ouvertement à Wagenknecht et Schwarzer et qu’il ait signé leur manifeste constitue un revers majeur pour le parti de la guerre.

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