Suisse : le Glass-Steagall sonnerait le glas des « Too Big to Fail »

La bataille du Parlement suisse contre les banques qualifiées de « trop grosses pour faire faillite » a franchi une nouvelle étape. Le 14 juin, a été mise sur pied la Commission d’enquête conjointe sur le sauvetage du Crédit suisse, chargée d’enquêter sur le bien-fondé de l’état d’urgence invoqué par le gouvernement et sur les circonstances ayant mis la banque en détresse, ainsi que d’étudier d’éventuelles modifications de la réglementation bancaire actuelle.

Composée de membres des Chambres basse (Conseil national) et haute (Conseil des États), la commission est présidée par Isabelle Chassot, membre du parti Mitte (démocrate-chrétien), la vice-présidente étant Franziska Ryser, députée du parti vert. Celle-ci a déjà déposé un projet de loi pour la mise en place d’un système de séparation bancaire (Glass-Steagall), qui n’a pas encore été débattu (cf. SAS 22/23).

Une source bien informée nous a confié que, selon elle, la Commission a de bonnes chances de faire du bon travail car elle inclut des membres de tous les partis, dont trois (les Verts, les Socialistes et la démocratie chrétienne) sont favorables à une séparation des banques. Toutefois, reste à voir si elle sera convaincue qu’une législation de type Glass-Steagall est le seul moyen d’éliminer le chantage des banques trop grosses pour faire faillite.

Dans un article publié sur le site Inside Paradeplatz, le professeur émérite Hans Geiger, de l’université de Zurich, appelle la commission à envisager sérieusement l’exemple historique de la loi Glass-Steagall, tout en incitant les membres du Conseil des États à ne pas répéter l’erreur commise en 2010, où, alors que la Chambre basse s’était prononcée en faveur d’une telle loi, la chambre haute l’avait rejetée ensuite.

Pour ce spécialiste des questions bancaires, le futur cadre réglementaire des banques « d’importance systémique » doit viser non pas à améliorer le régime actuel, mais à le remplacer. Elles doivent être totalement séparées des autres institutions, et « soumises à des contraintes très strictes ».

« L’idée n’est pas nouvelle, poursuit-il. Suite au krach boursier de 1929 et à la Grande Dépression qui s’ensuivit, les États-Unis ont mis en place un système de séparation bancaire, connu sous le nom de ‘loi Glass-Steagall’ qui, de 1933 à 1999, a imposé une séparation stricte entre les prêts aux particuliers et les activités de banque d’investissement. La loi Glass-Steagall a permis au système bancaire américain de rester stable pendant des décennies. »

Le professeur Geiger souligne aussi le risque de voir le débat dominé par le lobby bancaire ou le ministère des Finances, s’appuyant sur des avis d’« experts ». C’est pourquoi il est important que « les partis politiques, les organisations économiques cadres, les communes, les villes, les régions de montagne et les parties intéressées » participent au processus de consultation.

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