« Sortir de la sortie du nucléaire » : le vent commence à tourner outre-Rhin

A mesure que se concrétise la perspective de graves pénuries d’énergie et d’une électricité inabordable, de plus en plus de voix en Allemagne dénoncent les sanctions suicidaires imposées à la Russie et appellent, bien qu’à contrecœur, à revenir sur la décision hâtive, prise en 2011, de sortir complètement de l’énergie nucléaire d’ici la fin de cette année. Une option parfaitement envisageable consisterait à prolonger la durée de vie des trois centrales restantes et, au-delà, à remettre en service les trois autres mises à l’arrêt en 2021.

Ce retournement dans l’opinion publique et parmi les entrepreneurs a de quoi inquiéter le lobby antinucléaire et malthusien. Le gouvernement allemand, face au mécontentement, a déjà fait marche arrière sur les objectifs d’émission de CO2 et l’utilisation des centrales à charbon, avec la bénédiction du ministre vert de l’Economie Robert Habeck. Toutefois, en ce qui concerne le recours au nucléaire, seul le parti libéral (FDP), au sein de la coalition au pouvoir, l’a jusqu’à présent soutenu, le ministre des Finances Christian Lindner proposant de garder en service les trois dernières centrales jusqu’au printemps 2024. Dans l’opposition, plusieurs responsables chrétiens-démocrates (CDU/CSU), dont l’ancien ministre de la Santé Jens Spahn et le ministre-président de Bavière Markus Söder, appellent à reporter leur fermeture au moins jusqu’au printemps 2023. Le président du parti CDU, Friedrich Merz, soutient même le développement de l’énergie de fusion thermonucléaire.

Par ailleurs, dans un appel signé à Stuttgart, 20 universitaires de toute l’Allemagne affirment que la « transition énergétique » vers les énergies renouvelables est une impasse. Pour eux, « en se concentrant unilatéralement sur le soleil, le vent et le gaz naturel, l’Allemagne s’est mise dans une situation d’urgence énergétique ». Ils proposent donc de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires afin de garantir, avec les énergies solaire et éolienne, « l’approvisionnement en électricité et la prospérité » du pays. Les signataires de cette « Déclaration de Stuttgart » espèrent recueillir plus de 50 000 signatures en ligne, ce qui obligerait la Commission des pétitions du Bundestag à en débattre.

Contrairement aux géants industriels (à l’exception du secteur métallurgique) et aux principaux services publics qui hésitent à critiquer la stratégie des renouvelables, les petites et moyennes entreprises y sont fortement opposées. Le 29 juin, les représentants de 50 entreprises indépendantes de taille moyenne, réunis à Limbourg, ont fustigé les sanctions sur le gaz russe et l’abandon du nucléaire, et s’apprêtent à lancer une mobilisation nationale de leurs collègues.

Quant aux entreprises métallurgiques, le président de la Fédération des employeurs de ce secteur (Gesamtmetall), Stefan Wolf, promeut la construction de nouveaux réacteurs, d’autant plus qu’une « cinquantaine de nouvelles centrales nucléaires sont actuellement construites dans le monde, et que la technologie s’est améliorée ».

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