Pour reprendre le contrôle des prix énergétiques, fermons la Title Transfer Facility

Peu de sources, en dehors de notre lettre, ont dénoncé ce mécanisme clé de l’inflation des prix de l’énergie : la Bourse de gaz naturel à Amsterdam, ou Title Transfer Facility (TTF, voir AS 27/22). Les gouvernements européens gardent une véritable omerta sur ses opérations, n’en mentionnant que des aspects secondaires dans les discussions sur les coûts.

Toutefois, le silence a été rompu par le quotidien italien Il Fatto Quotidiano (considéré par beaucoup comme l’organe interne du parti Cinq Étoiles), dans un article du journaliste Andrea di Stefano, un militant contre l’utilisation des hydrocarbures. Il écrit : « La TTF est un casino légalisé où un très petit nombre d’opérateurs (…) déterminent le sort de millions d’entreprises et de centaines de millions de citoyens européens. Selon tous les observateurs, le marché d’Amsterdam est très volatile, c’est-à-dire extrêmement sensible aux fluctuations de prix, et peu liquide. Il suffit de considérer qu’au total, les contrats à terme qui sont négociés peuvent porter sur environ 250 millions de MWh par mois, c’est-à-dire la valeur moyenne de la consommation réelle de toute l’UE, alors que normalement, un système de couverture à terme représente quelques multiples du produit sous-jacent (par exemple, le pétrole). » (En d’autres termes, très peu d’acteurs sont impliqués.)

La première forte augmentation des prix, poursuit di Stefano, « s’est produite après la fin de la pandémie, précisément en raison des positions baissières des grands négociants (Trafigura, Gunvor et Glencore en tête) : lorsque la reprise est devenue évidente, les prix ont évolué à la hausse et, par conséquent, ils ont été contraints de fermer les opérations en rachetant des contrats de gaz. Cela a alimenté la demande de titres à terme qui avaient été vendus auparavant à découvert, ce qui a fait grimper encore plus les prix. » En dépit de vives protestations de la part de différentes catégories d’opérateurs, écrit-il, « ni la Commission européenne ni aucune autre autorité ne sont intervenues et n’ont enquêté sur la dynamique à l’origine de la distorsion des prix ».

Dans le cadre actuel de l’économie de guerre, explique di Stefano, certains profitent beaucoup de la volatilité de la TTF. On a des traders en énergie et de grandes sociétés, mais aussi un pays comme la Norvège, qui détient désormais 25 % du marché européen, suivie par les Etats-Unis avec le gaz liquéfié, puis en troisième position, le gaz russe.

Ce que l’article ne dit pas, c’est que pour fermer le casino, on devrait appliquer à la TTF les mesures de la loi Glass-Steagall. Cela permettrait de faire baisser la demande artificielle d’énergie pour la ramener au niveau de la demande réelle, et donc d’en réduire le prix.

Print Friendly, PDF & Email