L’envolée du prix du gaz provoque de graves pénuries d’engrais en Europe

La République tchèque, qui occupe la présidence tournante de l’UE, a convoqué une réunion d’urgence sur l’énergie pour le 9 septembre. En parallèle, semblant avoir enfin découvert l’existence de spéculation sur le prix de l’électricité, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, appelle à une « réforme structurelle » du marché. On serait tenté de dire qu’ils ferment la porte de l’écurie une fois que le cheval s’est sauvé.

Ceci au moment où nombre d’entreprises et de producteurs reçoivent des factures d’électricité jusqu’à dix fois plus élevées que l’an dernier. Et ceux qui ne pourront pas les payer seront obligés de fermer boutique.

Or, pour élaborer et mettre en œuvre une réforme du marché européen, il faudrait de longs mois. Pour le moment, deux propositions sont sur la table : celle de l’Italie prévoyant un plafonnement des prix et celle, suggérée par Mme von der Leyen, consistant à découpler le prix de l’électricité de celui du gaz. Si la première revient à « enseigner de bonnes manières à un tigre », comme l’a fait remarquer l’ancien ministre italien des Finances Giulio Tremonti, la seconde ne résoudrait que partiellement le problème.

Le prix du gaz promet aussi une grave crise alimentaire l’année prochaine en raison du manque d’engrais. La grande majorité des engrais sont à base d’azote, c’est-à-dire produits à partir d’ammoniac, lui-même produit à partir de gaz naturel. On assiste donc déjà à une vague de fermetures de la production européenne d’engrais azotés, certaines devant être temporaires, mais d’autres permanentes.

« Plus de 70 % des capacités de production européennes ont été réduites. Si la situation persiste, nous craignons que les autres producteurs soient touchés aussi », a déclaré Jacob Hansen, directeur général de Fertilizers Europe, l’association de l’industrie européenne des engrais.

Yara, le plus grand producteur d’engrais chimiques au monde, a annoncé le 25 août une réduction de 50 % de sa production d’engrais azotés en Europe, ayant déjà fermé des usines sur plusieurs sites. Le principal producteur outre-Manche, CF Fertilizers (filiale de l’américain CF Holdings), prévoit d’arrêter temporairement la production d’engrais azotés dans son usine de Billingham, après la fermeture de son usine du Cheshire en juillet.

En Pologne, Azoty Grupa SA, deuxième producteur européen d’engrais azotés et composés, a fermé ses installations de production d’engrais azotés, de caprolactame et de polyamide 6 (nylon 6), tandis que le premier producteur balte, le lituanien Achema, a annoncé l’arrêt de son usine au 1er septembre.

Top Agrar Online rapporte que la production de SKW Stickstoffwerke, à Wittenberg-Piesteritz, en Allemagne, est à l’arrêt pour des raisons techniques. Toutefois, vu la taxe sur le gaz annoncée par Berlin et les difficultés du marché, la reprise risque d’être reportée. Quant au géant BASF, la plus grande société chimique du monde, il envisage également de réduire encore sa production d’ammoniac.

Une chute drastique de l’utilisation d’engrais aurait un impact dévastateur sur la production agricole. Pour éviter la catastrophe, il faudrait fermer immédiatement le marché du gaz TTF à Amsterdam, comme nous l’avons souvent réclamé. Mais n’attendez pas de l’UE qu’elle le fasse : le programme de Bruxelles, baptisé « de la ferme à la fourchette », a explicitement pour objectif une réduction massive de la production.

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