Le chancelier Scholz cède aux fauteurs de guerre

Le refus allemand de livrer des chars Léopard 2 à l’Ukraine, réitéré à la conférence de Ramstein, a déclenché un tir de barrage contre Berlin, accusée de « concourir à la défaite de l’Ukraine ». Quelques jours plus tard, le gouvernement a donc fait marche arrière (voir ci-dessous). On ne sait pas encore combien de chars seront fournis, ni par quels pays, mais on sait que Moscou considère cela comme une escalade majeure.

En plus des pressions exercées depuis l’étranger, le chancelier Scholz se trouvait très isolé au sein de sa propre coalition, avec la majorité du Bundestag contre lui. Les deux partenaires de la coalition, Verts et FDP, avaient signalé leur intention de se joindre à la CDU-CSU en cas de vote parlementaire. Par contre, la direction du SPD, notamment le chef du groupe au Bundestag Rolf Mützenich et le secrétaire général Kevin Kühnert, soutenait le refus de livrer le Léopard 2.

Par conséquent, on a l’impression d’avoir deux gouvernements en un à Berlin : d’un côté, les Verts et les Libéraux (FDP), et de l’autre le SPD. La ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock, des Verts, est la plus fervente partisane de l’escalade du conflit, au point de contredire ouvertement la politique du chancelier.

Olaf Scholz est accusé par ses détracteurs d’avoir « totalement isolé l’Allemagne » à l’Ouest. Ce n’est pas le cas pour la Suisse, l’un des principaux producteurs européens d’équipements militaires, qui a bloqué la fourniture de munitions produites en Suisse pour les véhicules allemands envoyés en Ukraine. Le journal suisse Zeitgeschehen a publié le 18 janvier une longue interview avec l’ancien inspecteur de l’Armée allemande, le général Harald Kujat, qui dénonce l’absence de diplomatie pour mettre fin à la guerre. Pour lui, il ne peut y avoir de solution sur le champ de bataille, comme l’a déclaré par ailleurs le chef d’état-major américain Mark Milley. Il y réfute aussi le récit selon lequel la Russie a refusé de négocier, rappelant que les pourparlers tenus en avril-mai avaient été sabotés par Boris Johnson, alors Premier ministre britannique.

Le 23 janvier, le principal quotidien suisse, le Neue Zürcher Zeitung, soulignait à son tour un aspect du problème absent des grands médias allemands, à savoir que l’épuisement des stocks d’armes des forces armées allemandes est considéré comme une aubaine par le « complexe militaro-industriel » américain, qui rêve de vendre ses équipements à l’Allemagne. Les Français ont été victimes de la perfidie de ce « complexe », écrit le NZZ, lorsque le gouvernement australien a brutalement rompu son contrat déjà signé avec la France pour acheter des sous-marins américains. Cet article est paru le lendemain du Conseil des ministres franco-allemand, au cours duquel le président Emmanuel Macron avait affirmé son opposition à l’affaiblissement des forces françaises pour aider l’Ukraine, tout en mettant en garde contre une escalade de la guerre.

Sur le plan intérieur, la position initiale de Scholz avait été implicitement soutenue par une analyse du service de renseignement extérieur (BND), lors d’une réunion au Bundestag. Ces responsables y affirmaient que, contrairement à la propagande dominante, l’Ukraine a déjà subi des pertes énormes, une réalité à prendre en compte pour déterminer le soutien à apporter. Cette information conforte l’opinion du général Kujat, pour qui c’est maintenant « le meilleur moment pour reprendre les discussions » sur un cessez-le-feu en Ukraine, afin de mettre un terme au carnage.

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