La Réserve fédérale entre Charybde et Scylla

Le discours que devait prononcer le président de la Réserve fédérale Jerome Powell, lors de la réunion annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole, était très attendu. En fin de compte, ce fut un choc pour ceux qui pensaient qu’il minimiserait l’importance de l’inflation et relancerait l’expansion monétaire (y compris pour aider les démocrates dans les élections de mi-mandat de novembre). Or, le dirigeant de la Fed a annoncé que la réduction de l’inflation nécessiterait sans doute « une période prolongée de croissance inférieure à la tendance », et le maintien d’une « politique restrictive pour un certain temps ».

Autrement dit, la Réserve fédérale ne fera rien pour éviter une récession. Non sans un certain sadisme, il a ajouté que la lutte contre l’inflation apportera « de la douleur » aux producteurs et aux ménages. Entre Charybde (l’inflation) et Scylla (une récession économique), assortie de fermetures d’entreprises, de licenciements et d’un appauvrissement de millions de citoyens, Powell semble avoir choisi la seconde.

De nombreux analystes ont comparé le choix de Powell au célèbre resserrement monétaire opéré par Paul Volcker après le choc pétrolier de 1973-74, mais en oubliant que sous ce dernier, le taux de la banque centrale avait atteint 21,5 %. Les « petits pas » d’un demi-point annoncés par Powell ne permettront pas d’abaisser le taux d’inflation, mais ils pénaliseront encore plus les producteurs et les consommateurs qui pâtissent déjà de la hausse des prix.

Certains économistes allèguent qu’en réduisant la demande mondiale d’énergie et de matériaux du secteur productif, une récession prolongée freinera l’inflation par un rééquilibrage « naturel » de l’offre et de la demande. Ces théories académiques ignorent toutefois qu’un ralentissement économique entraînera une réaction en chaîne d’insolvabilités et l’effondrement du système financier transatlantique.

Au contraire, il faudrait sortir les liquidités de la bulle financière de manière ciblée. Cela pourrait se faire dans le cadre d’une séparation des banques selon les critères de la loi Glass-Steagall, mise en œuvre à l’échelle mondiale, en isolant le secteur commercial-industriel du système financier et en appliquant une politique de crédit à deux niveaux : des taux d’intérêt élevés pour les activités purement financières, les banques d’investissement et les fonds spéculatifs, et des taux faibles pour les banques commerciales et le crédit aux producteurs et aux ménages.

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