La plus grande préoccupation en Afrique n’est pas le climat mais la pauvreté

Un sujet majeur de la conférence du 4 février de l’Institut Schiller (voir AS 6 / 23) était le développement de l’Afrique. Parmi les intervenants, l’avocat ougandais Elison Karuhanga, expert en droit de l’énergie, a présenté « Le projet pétrolier de l’Ouganda et son indépendance énergétique ». Son pays a découvert des gisements de pétrole recelant quelque 6,5 milliards de barils, a-t-il annoncé, qu’il entend bien exploiter et développer, malgré les pressions exercées par l’Occident au nom de la lutte contre le « changement climatique ».

Bien sûr, les Ougandais sont conscients des problèmes liés au climat, a-t-il expliqué, « mais nous sommes également préoccupés, très profondément, par les effets de la pauvreté ». Selon l’argument le plus répandu, le monde doit abandonner progressivement les combustibles fossiles, en cessant d’investir dans le pétrole et le gaz, ce qui les rendra très chers. « Le monde sera alors obligé de passer aux énergies renouvelables, une fois que le prix des combustibles fossiles sera devenu complètement inabordable par toutes les méthodes imaginables. »

Elison Karahunga comprend que « tout cela semble très bien quand on y réfléchit en militant, quand on y réfléchit depuis une capitale européenne, depuis un pays riche et développé. Mais qu’est-ce que cela veut dire en termes réels ? (…) Nous avons appris entre-temps qu’un prix élevé du pétrole ne nuit pas aux sociétés pétrolières. En 2022, les prix du pétrole ont augmenté et les géants pétroliers ont enregistré des bénéfices record. Les seuls à payer cette transition seront les pauvres. Et de ce côté-ci du monde, en Afrique et en Ouganda, nous avons payé assez. Nous avons fait assez de sacrifices. Nous avons été des cobayes pendant bien trop longtemps. Nous ne pouvons pas continuer à payer pour ces transitions. Nous ne pouvons pas, de notre côté, continuer à passer de l’obscurité à une obscurité plus profonde dans une nuit déjà dépourvue d’étoiles, pour citer un grand Américain [Martin Luther King]. »

Si l’on interdit de nouveaux projets pétroliers, explique Karahunga, la Norvège continuera à produire 2 millions de barils de pétrole, l’Arabie saoudite 10 millions et les États-Unis 20 millions, mais des pays comme l’Ouganda et le Mozambique n’auront pas le droit de produire. Nous, les Africains, sommes convaincus que tant que des alternatives viables ne seront pas disponibles, « nous devons compter sur les combustibles fossiles pour alimenter en énergie notre monde. En Afrique, nous en avons assez de ne pas disposer d’énergie. »

C’est pourquoi l’Ouganda a décidé, « contre vents et marées, de développer ses projets énergétiques » pour atteindre l’indépendance énergétique. Le projet récemment finalisé comprend la construction d’une raffinerie et d’un oléoduc d’exportation de pétrole brut. Comme l’a souligné Elison Karuhanga, « nous devons à la fois préserver l’environnement et vaincre la pauvreté ».

A propos de « l’abondance de gens qui nous disent de suivre l’exemple de l’Occident, des gens qui font la transition », il estime qu’il « devient ridicule que nous entendions des sermons sur nos 200 000 barils de pétrole de la part de personnes qui en consomment 20 millions, et que nous commencions à payer cette transition, alors que nous ne contribuons qu’à hauteur de 0,003% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. »

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