La guerre économique : l’outil classique de l’empire britannique

Les sanctions économiques imposées à Russie ces dernières semaines sont à l’étude depuis bien avant la guerre en Ukraine, ainsi que l’ont confirmé sans la moindre ambiguïté des responsables de la Maison Blanche le 25 janvier (voir AS 5/22). Si de nombreux dirigeants américains se félicitent sans vergogne des dégâts infligés à la Russie et menacent de prendre des mesures tout aussi sévères contre la Chine si elle s’avisait de lui venir en aide, il ne faut pas perdre de vue le rôle britannique dans cette approche. Après tout, cela fait des siècles que l’Empire britannique pratique la guerre économique, en remontant à la Compagnie britannique des Indes orientales et au rôle qu’il a joué dans la mort d’un à deux millions d’Irlandais lors de la grande famine (1845-1852), ainsi que dans les vagues de famines qui dévastèrent l’Inde du XVIIIe au XXe siècle, provoquant des dizaines de millions de morts.

Les outils utilisés peuvent différer mais l’intention reste la même : contrer toute résistance des États-nations souverains aux opérations de pillage menées par l’oligarchie financière de la City. Du fait que le Royaume-Uni ne dispose plus aujourd’hui des moyens de diriger unilatéralement l’ordre de l’après-guerre froide, ce sont les États-Unis qui sont chargés d’imposer militairement le nouvel empire, aux ordres des cartels transatlantiques de banques, d’assurances et autres.

Cette nouvelle offensive malthusienne s’exprime très clairement par la voix de la ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss. Dans un discours prononcé le 10 mars devant l’Atlantic Council, un groupe de réflexion anglo-américain financé par les cartels en question, elle affirma que la guerre menée actuellement contre la Russie doit permettre d’élaborer une nouvelle architecture impériale de sécurité mondiale et une nouvelle structure économique. Pour elle, la crise ukrainienne représente un « changement de paradigme à l’échelle du 11 septembre [2001], et la façon dont nous réagissons aujourd’hui définira les lignes de cette nouvelle ère ». Nous n’en faisons pas encore assez contre « l’expansionnisme de Poutine, a-t-elle déclaré. Nous voulons faire en sorte qu’ils [les Russes] n’aient plus accès à leurs fonds, qu’ils ne puissent plus effectuer aucun paiement, que leurs échanges commerciaux soient bloqués, que leurs navires ne puissent plus accoster ni leurs avions atterrir. »

La veille, Daniel Fried, le champion des sanctions de l’Atlantic Council, avait publié un article intitulé « Que reste-t-il à sanctionner en Russie ? Des portefeuilles, des actions et des investissements étrangers ». Il conclut que la suppression ou la suspension des sanctions après la fin de la guerre serait « complexe », car on ne peut pas « faire confiance » aux promesses de Poutine. Autrement dit, il faut prévoir un régime de sanctions permanentes !

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