La Conférence de Munich sur la sécurité a feint d’ignorer la défaite décisive de l’Ukraine

Il semblerait que dans la guerre en Ukraine, le tournant attendu se soit produit le 16 février, avec la défaite de l’armée ukrainienne dans la ville stratégique d’Avdiivka. De facto, l’armée russe n’aura plus de gros obstacle à franchir pour atteindre les frontières administratives du Donbass. Vu l’impact militaire, physique et moral de cette défaite sur les forces ukrainiennes, la fin de la guerre pourrait être proche.

L’importance stratégique de la chute d’Avdiivka est évidente pour tous les analystes militaires. On aurait donc pu s’attendre à voir cette question soulever un débat intense lors de la conférence de Munich sur la sécurité (MCS), le « Davos de la défense », qui s’ouvrait justement ce jour-là. D’autant plus que de hauts gradés militaires et analystes de tous les pays qui soutiennent Kiev se trouvaient alors réunis dans la métropole du sud de l’Allemagne.

Et pourtant, aucun débat ouvert n’a eu lieu sur ce sujet (bien qu’il ait certainement dominé les discussions privées), laissant place à la mise en scène d’une comédie publique plutôt kafkaïenne. En défendant son « plan de paix », conditionné au retrait des troupes russes des « territoires occupés », le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kuleba, faisait penser à Hitler manœuvrant depuis son bunker des divisions inexistantes. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré qu’un cessez-le-feu ne profiterait qu’à la Russie, tout en avertissant Beijing que Washington « considérerait toute assistance militaire [à Moscou] ou tout contournement des sanctions comme un problème très grave pour [les Etats-Unis] et pour de nombreux autres pays dans le monde ». Lors de sa rencontre avec le président Zelensky, la vice-présidente américaine Kamala Harris l’a assuré que tout l’argent et les armes nécessaires pour que les Ukrainiens continuent de mourir au combat ne manqueraient pas, tandis que l’Allemagne et la France ont conclu un accord de sécurité avec l’Ukraine. (Il est vrai que cet accord n’a pas grand poids, sachant que, comme on l’a vu avec les accords de Minsk, les signatures allemande et française ne valent pas le papier sur lequel elles figurent). Pour sa part, Volodymyr Zelensky a réitéré sa demande rituelle de toujours plus d’armes et d’argent.

Cependant, le clou du spectacle fut l’annonce du décès d’Alexei Navalny, dans la matinée du 16 février, au moment même où son épouse devait s’adresser à la conférence. Le fait que Yulia Navalnaya ait été invitée cette année à la MSC et que, quelques heures avant son discours, son mari ait été retrouvé mort dans sa cellule de prison en Sibérie, n’est, bien entendu, que pure coïncidence. Mais au lieu de rentrer précipitamment en Russie, comme on aurait pu s’y attendre, sa veuve a décidé de rester à Munich, tout en accusant le président Vladimir Poutine d’être un assassin.

Ainsi, au lieu d’être informés de la défaite de l’OTAN dans sa guerre par procuration en Ukraine, les citoyens occidentaux ont été bombardés d’une propagande antirusse autour de l’affaire Navalny. Pour éviter tout malentendu, précisons que nous déplorons bien évidemment la mort d’Alexei Navalny, comme celle de tout être humain, et souhaitons que toute la lumière soit faite sur les circonstances de son décès. Mais on ne peut décemment le faire passer pour un champion de la démocratie, car il était connu pour ses opinions xénophobes et réactionnaires, incarnant bien plus un produit de la propagande occidentale qu’une opposition politique sérieuse à Vladimir Poutine. En réalité, c’est au président russe que sa disparition sera le plus préjudiciable.

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