Face au tsunami économique attendu, l’Union européenne en ordre dispersé

L’un des récits les plus entendus en Europe, en ces temps de guerre, vante son « extraordinaire cohésion ». En réalité, l’UE n’a jamais été aussi désunie. Les conflits entre Etats membres concernant les sanctions ou l’élargissement de l’Union et de l’OTAN se durcissent, alors que la situation économique, politique et sociale est sur le point d’exploser.

La dérive inflationniste des économies occidentales contribue largement au tsunami attendu. La Commission européenne a revu ses estimations de « croissance » pour la ramener à 2,7 % en moyenne cette année. Avec un taux d’inflation de 6,1 %, cela signifie que la croissance réelle est estimée à moins 3,4 %. Mais ces estimations devront bientôt être revues à leur tour, à en juger par les chiffres de l’inflation des prix à la production pour le mois d’avril en Allemagne : +34 %. La hausse sera forcément répercutée sur les prix à la consommation, au plus tard à l’automne. Ce qui laisse prévoir une inflation à deux chiffres.

Le politologue allemand Andreas Zick, de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les conflits et la violence de l’université de Bielefeld, observe que l’inflation a pour effet d’accroître la méfiance populaire à l’égard du monde politique, comme en témoigne le taux de participation catastrophique aux dernières élections régionales en Allemagne (voir SAS 19, 20/22). « La cohésion s’effrite, précisément parce qu’elle repose sur la prospérité et la justice économique », note-t-il.

Et elle s’effritera encore plus, vu la stratégie de l’UE pour endiguer l’inflation. Au lieu de s’attaquer à la cause principale du problème en fermant le robinet des liquidités à la bulle spéculative, Bruxelles accroît les injustices économiques. Un exemple parmi d’autres : pour pouvoir bénéficier de l’argent du Fonds de relance, le gouvernement italien est sommé de mettre en œuvre des « réformes », incluant notamment la libéralisation des concessions immobilières de l’État et la mise à jour du cadastre foncier, afin d’augmenter la taxation des biens immobiliers.

L’Union européenne est « dévastée », selon l’ancien ministre italien des Finances Giulio Tremonti. Et de citer le cas de la règle de l’unanimité au sein de l’UE, proposée entre autres par la France, l’Allemagne et l’Italie, mais rejetée par 14 autres Etats membres.

Dans la même veine, la Commission déclare vouloir mettre la demande d’adhésion de Kiev sur « la voie rapide ». Le lendemain, des membres du gouvernement français affirment au contraire qu’il faut suivre la procédure normale, qui prend des années. Quant aux sanctions, le sixième paquet, qui devait être approuvé le 18 mai, reste en suspens en raison de l’opposition de la Hongrie à un embargo pétrolier. En outre, le veto sur le paiement en roubles du gaz russe est ignoré par tous les grands acheteurs.

Si l’impasse dans laquelle se trouve la gouvernance de l’UE est une bonne nouvelle, dans la mesure où elle permet d’éviter de nouveaux dégâts, de l’autre côté, rien n’est fait pour arrêter le tsunami de l’hyperinflation et la chute de l’économie physique, ni pour protéger les revenus des ménages et faire crever la méga-bulle financière en recourant aux « Quatre principes » de LaRouche.

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