Cette fois encore, l’alchimie monétaire ne marchera pas

En lien avec le sujet précédent, la BCE vient d’annoncer la fin de son programme d’achat d’actifs (PAA) à partir du 1er juillet. Jusqu’à présent, dans le cadre de ce programme, la BCE procédait à des achats mensuels de dette souveraine dans la zone euro, garantissant ainsi la stabilité de l’euro. Cette annonce a aussitôt fait exploser la différence du spread entre les rendements allemands et ceux des obligations périphériques. La BCE dispose bien d’un « filet de sécurité » pour les pays jugés « pécheurs » en la matière, mais à condition d’appliquer des conditions budgétaires sévères, comme celles qui ont détruit l’économie grecque en 2011. Cette perspective suscite déjà de vives inquiétudes en Italie.

L’ancien ministre italien des Finances, Giulio Tremonti, est l’un des rares à reconnaître le lien de causalité entre l’expansion monétaire des banques centrales et la tempête financière. Dans une interview publiée le 10 juin sur Il Giornale, il revient sur ce « vendredi noir » : « La tempête a commencé hier. Elle se manifeste de manière évidente dans le volume des ventes, leur objet, leur rapidité et l’action provenant du marché financier dans son ensemble. »

Evoquant des exemples d’alchimie financière tirés d’œuvres classiques (le Faust de Goethe, La Montagne magique de Thomas Mann, ou encore Pinocchio), Tremonti note que suite à « la crise de la mondialisation en 2008-2009 », on est passé à une politique de « création illimitée d’argent à partir de rien. C’est ainsi qu’en Europe, la BCE a outrepassé les deux principes de l’euro : le plafonnement de l’inflation et l’interdiction de financer les gouvernements ».

L’inflation atteint aujourd’hui 8 %, par rapport à l’objectif déclaré de 2 %. Et le financement direct des pouvoirs publics a été contourné « par une triangulation gouvernement-banques-BCE. « Les gouvernements émettent des obligations, souscrites par les banques, qui les vendent à leur tour à la banque centrale. C’est comme ça que l’argent est créé à partir de rien et que la BCE est devenue une sorte de bad bank. C’est comme ça que le ‘Whatever It Takes’ est devenu ‘’Whatever Mistakes’ », jeu de mots sur le slogan de la BCE « quoi qu’il en coûte » et « quelles qu’en soient les erreurs ».

Pour toute solution, Giulio Tremonti propose une intervention urgente des gouvernements pour protéger les ménages de l’inflation. Mais pour sortir de la tempête, il faut imposer un redressement judiciaire à l’ensemble du système, en commençant par couper les banques en deux sur le modèle du Glass-Steagall.

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