Renflouement des banques, encore une récidive

Faillites bancaires, ruées sur les dépôts, chute des bourses, injections de liquidités. On pourrait croire à une réplique de 2008, mais ce serait trompeur car c’est bien pire !

Prenons les pertes subies par les banques suite à la dépréciation de leurs actifs due à la hausse des taux. Selon une étude du 13 mars 2023 publiée sur le site SSRN, « la valeur de marché des actifs du système bancaire américain est inférieure de 2000 milliards de dollars au montant que suggère leur valeur comptable ».

Face à cette situation, la Réserve fédérale a créé un nouveau fonds de sauvetage, le Bank Term Funding Program (BTFP), habilité à racheter à leur valeur nominale des actifs bancaires dépréciés. Il s’agit là d’un transfert net des pertes des banques vers la banque centrale, alors que jusqu’à présent, la Fed achetait les actifs à leur valeur de marché. Dès lors, la question se pose : la Fed va-t-elle absorber toutes les pertes afin d’éviter une crise systémique, et cela, via la hausse des taux d’intérêt, quitte à alourdir la facture finale ?

Nous avons dit et répété qu’au premier signe de menace systémique, les banques centrales abandonneraient la lutte contre l’inflation pour recommencer à injecter des liquidités à grande échelle. Et en effet, le 22 mars, la Fed a donné le signal de la fin du resserrement quantitatif (QT) en ne relevant ses taux que de 25 points, tout en excluant d’autres hausses futures.

La BCE entend faire de même, Christine Lagarde ne s’étant pas prononcée sur l’orientation future des taux, mais promettant de la liquidité à volonté en cas de besoin. « Nous nous tenons prêts à soutenir le cas échéant la liquidité du système financier », a-t-elle promis le 22 mars, lors de la conférence « La BCE et ses observateurs », à Francfort.

Mme Lagarde pensait sans doute à la Deutsche Bank, prochaine victime de la contagion après la crise du Crédit suisse, déclenchée par l’annulation de 16 milliards de francs suisses d’obligations AT1 du géant suisse, comme nous l’avons mentionné la semaine dernière. Deux banques allemandes, Pfandbriefbank et Aareal Bank, ont fait savoir qu’elles ne rembourseraient pas les titres AT1, qui arrivent à échéance de l’option d’achat. La Deutsche Bank a fait l’inverse, s’engageant à rembourser 1,5 milliard de dollars d’obligations subordonnées dès le 24 mai, soit avant leur échéance de 2028. Par conséquent, le swap de défaut de crédit de la Deutsche Bank a grimpé en flèche et le cours de son action a plongé à des niveaux records, suivi par la Commerzbank et toutes les autres banques européennes.

« La Deutsche Bank est fortement interconnectée aux mégabanques de Wall Street en raison de ses activités de contrepartie dans des produits dérivés », précise le site Wall Street On Parade. Le FMI avait déjà signalé en juin 2016 que la Deutsche Bank représentait la plus grande menace pour la stabilité financière mondiale en raison de ses interconnexions avec d’autres banques internationales, « JPMorgan Chase, la plus grande banque assurée par l’État fédéral aux États-Unis, » étant l’une des plus exposées vis-à-vis de la Deutsche Bank.

Ce danger explique pourquoi les dirigeants des huit premières banques américaines se sont réunis à Washington le 21 mars pour élaborer des mesures qu’ils ont ensuite dictées au gouvernement. Il s’agit de JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup, Goldman Sachs, Wells Fargo, Morgan Stanley, Bank of New York et State Street Corporation. Comme nous l’avons indiqué la semaine dernière, 88 % des produits dérivés en dollars sont concentrés dans les quatre premières.

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