Au Congrès américain, l’opposition à la guerre se renforce

Depuis le début de la guerre par procuration contre la Russie en Ukraine, les deux partis au Congrès américain se tiennent, en gros, sur la ligne dictée par le « complexe militaro-industriel » : l’opération russe n’a nullement été provoquée par l’OTAN et il est essentiel de défendre l’Ukraine pour préserver la démocratie. Par conséquent, le jeu en vaut la chandelle. Le corollaire, c’est que faute de stopper la Russie, l’Europe sera envahie à son tour et les Chinois interviendront contre Taïwan. Ils étaient très peu à s’opposer à ce récit, les deux partis étant pour la plupart acquis au maintien de l’ordre unipolaire sous l’hégémonie américaine. Et la population se montrait généralement favorable à la politique de l’administration Biden.

Récemment, pourtant, deux facteurs ont changé. Premièrement, le coût pour le contribuable ne cesse d’augmenter, le montant engagé dépassant désormais les 110 milliards de dollars. Deuxièmement, l’échec de la contre-offensive ukrainienne et le risque d’escalade jusqu’au niveau d’un conflit nucléaire ont rappelé quelques réalités. Un sondage d’opinion réalisé par CNN, début août, a révélé que la majorité de la population s’opposait à tout financement supplémentaire de la guerre, par 55 % contre 45 % (chez les républicains, 71 % contre 29 %). En outre, la popularité de Joe Biden est en chute libre, 65 % des personnes interrogées désapprouvant la direction prise par le pays.

Les élus républicains sentent donc le vent tourner. Alors qu’une résolution déposée en février dernier par le député Matt Gaetz, prévoyant de suspendre toute aide militaire à l’Ukraine, n’avait rallié que 10 parrains, un amendement similaire en juillet a été soutenu par 70 républicains de la Chambre. Si l’amendement a été rejeté, le complexe militaro-industriel voit dans cette évolution un « signe inquiétant ».

Leur inquiétude grandit, vu les pressions exercées sur le président de la Chambre, le républicain Kevin McCarthy. Si ce dernier se garde de rejoindre les opposants, il a commencé à poser des questions gênantes, du genre : « Où va tout cet argent ? » et « Quel est le plan de victoire ? » Son refus d’autoriser le président ukrainien Zelensky à s’adresser à une session conjointe du Congrès la semaine dernière est significatif à cet égard.

Cela dit, bon nombre de ces républicains ne sont pas contre la politique de guerre en tant que telle, mais simplement contre cette guerre-ci, car ils estiment que la Chine représente une menace plus grande que la Russie.

Entre-temps, les républicains ont empêché l’adoption du dernier projet de loi sur les dépenses de défense, incluant une rallonge de plus de 24 milliards de dollars pour l’Ukraine. Le sénateur Rand Paul a clairement expliqué pourquoi il est contre toute nouvelle aide à l’Ukraine : le gouvernement ukrainien a « annulé les élections […] Il a interdit les partis politiques, il a envahi les églises, il a arrêté des prêtres. Alors non, ce n’est pas une démocratie, c’est un régime corrompu. »

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