Prix des matières premières et inflation : la faute n’est pas à la Chine

Les données publiées le 11 juin par le Bureau américain des sta tistiques du travail font ressortir le taux d’inflation le plus élevé depuis 2008. L’indice des prix à la consommation a augmenté à un rythme annuel de 5 % en mai, contre 4,2 % en avril, reflétant la hausse des prix des matières premières et des denrées
alimentaires due surtout à la spéculation financière. Au niveau mondial, mai 2021 s’inscrit comme le 12ème mois consécutif de hausse des prix alimentaires, selon l’indice alimentaire des Nations unies, affichant une augmentation de 40 % sur un an. Ce mois de mai a également vu la plus forte hausse mensuelle des prix alimentaires moyens depuis plus d’une décennie, soit près de 5 % par rapport à avril.

Mais ne vous inquiétez pas, nous assurent les banques centrales, c’est un phénomène « transitoire ». Et en effet, ni la Réserve fédérale ni la Banque centrale européenne n’ont modifié leur politique monétaire. La BCE a néanmoins dû admettre que trois membres du conseil d’administration avaient voté contre.

Pour montrer que l’inflation n’est que transitoire, les banques centrales l’attribuent à l’écart entre l’offre et la demande, qui serait principalement dû à une reprise chinoise accaparant les matières premières sur le marché mondial. Or, la réalité est bien différente. L’envolée sur les marchés des matières premières, qui dure depuis plus d’un an et n’est pas près de s’arrêter, est alimentée par les énormes quantités de liquidités injectées dans le système par ces mêmes banques centrales.

Les prix des matières premières sont déterminés par des contrats à terme, dont 90 % sont négociés par des spéculateurs. Selon un article paru le 10 juin dans Bloomberg, l’argent spéculatif inondant les fonds de matières premières atteint « une ampleur sans précédent ». Ce phénomène a déjà été constaté sur d’autres marchés, tels que l’énergie et les métaux précieux, mais « la réouverture de l’économie mondiale », selon l’article, a vu exploser la demande des fonds de matières premières.

Il cite ensuite le cas de BlackRock : « En six ans et demi, un fonds de matières premières de BlackRock Inc. n’a jamais approché le milliard de dollars d’actifs. Pourtant, fin mai, l’ETF [fonds négocié en Bourse] a plus que doublé en deux jours pour atteindre 2 milliards de dollars – à quoi se sont déjà ajoutés 120 millions de dollars de plus en juin. »

Le « boom » des matières premières permet aux spéculateurs (investisseurs) de s’enrichir rapidement aux dépens des populations. Mais ce n’est en aucun cas inévitable. La preuve en est fournie par les autorités chinoises. Après avoir annoncé leur intention de surveiller de près le marché pour freiner la spéculation, dès le lendemain, les prix des matières premières ont plongé sur les Bourses chinoises.

Les autorités américaines et britanniques pourraient faire de même vis-à-vis des marchés de matières premières de Chicago et de Londres, mais elles savent que cela ferait éclater la bulle et donc le système financier. Ainsi, banques centrales et gouvernements garantissent une bouée de sauvetage aux milliardaires de Davos tout en préparant un hiver très dur pour les familles.

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